Sans surprise, l’analyse d’images en 2D ou en 3D est au cœur de nombreux projets, très souvent associée à des approches « deep learning » (détection de l’état des cultures, de la présence de fruits pour orienter la récolte, de la présence de pathologie pour déclencher des traitements, etc…). L’analyse de sons et la reconnaissance vocale, bien que moins représentés, font également l’objet de travaux (détection d’insectes ravageurs des cultures, analyse de la toux chez des truies). Ces technologies permettent des approches moins invasives. En élevage, cette voie permet de collecter de l’information sur les animaux sans devoir les manipuler ou même les approcher, avec ou sans pose préalable de capteur sur l’animal. Deux interventions ont traité de cet aspect : Prediction of sheep behavior from accelerometer data (projet Clochète, piloté par l’Institut de l’Elevage, présenté par Aurore Philibert, Idele) et l’étude japonaise Detection of Approaching Interaction with Cattle in Estrus Based on Community Transition and Cattle Distance. Si l’analyse d’image cherche à saisir le comportement des animaux, elle permet aussi d’affiner les mesures sur les animaux, comme l’illustre l’intervention sur la mise au point d’un scan 3D de vaches (projet Morpho3D, institut de l’Elevage, présenté par Laurence Depuille, Idele) afin de détecter les mensurations des animaux (linéaires, circonférences, surfaces et volumes) afin de les mettre en relation avec des caractéristiques physiques des animaux.

Sur les 88 contributions à EFITA, les sujets sur l’élevage ont été plutôt moins représentés que les communications sur les filières végétales. Toutefois, les interventions ont permis de mesurer les orientations des travaux en matière de capteurs, d’analyse de données et de développement d’applications. Tous secteurs d’activité confondus (grandes cultures, maraichage, élevage), il se dégage quelques tendances. 

Le secteur végétal mise beaucoup sur les caméras multispectrales pour observer les végétaux dans des spectres de lumière très variés. Cette technologie semble peu ou pas mobilisé en productions animales (hormis quelques essais sur l’analyse des matières premières pour l’alimentation animale). Manque d’investigations ou pas de potentialités sur les animaux ?

Ces technologies d’imagerie 2D ou 3D mettent souvent en avant les bénéfices qu’elles apportent en matière de bien-être animal et de santé.

De manière générale, le bien-être animal et la santé ont été des thèmes assez dominants dans les technologies développées et dans les interventions relatives à l’élevage. L’ITAVI a notamment présenté sa nouvelle application EBENE d’évaluation du bien-être animal à destination des éleveurs, lancé à l’automne dernier (Sylvain Gallot, Itavi).

Le développement d’applications pour les utilisateurs finaux est souvent affiché comme un objectif final dans les publications. Toutefois, de nombreux travaux semblent être toujours, au moment des présentations, à un stade de prototype expérimental. Hasard de calendrier ou difficultés à faire sortir les prototypes des labos et trouver un modèle économique ?   

Et cette question de la valorisation économique a été très présente lors du congrès : de nombreuses interrogations de l’auditoire ont porté autour du retour sur investissement des technologies numériques. De manière encore plus générale, on voit émerger la question des modèles économiques à concevoir en parallèle du développement de ces technologies, tant pour les producteurs qui les achètent et les utilisent que pour les acteurs qui les conçoivent et les vendent. Une intervention portait sur une typologie des agriculteurs vis-à-vis de leur consentement et leur intérêt à adopter différentes familles de capteurs. Au-delà de l’économique, c’est aussi la dimension sociale et l’appropriation des technologies qui sont questionnées, avec une présentation sur l’usage des équipements d’identification par les éleveurs dans les élevages ovins en Europe (Jean-Marc Gautier, Idele).

Les travaux présentés et interventions ont aussi montré la volonté et les efforts de recherche en faveur de technologies moins chères, économes en énergie et donc plus autonomes. Parmi les plus prospectifs, on retiendra l’idée qu’un jour seront développés des capteurs miniaturisés à très bas coût, qui permettront une très large dispersion dans l’environnement afin d’améliorer la collecte des informations. D’une durée de vie limitée, ces capteurs seront nécessairement biodégradables. Ainsi, on pourrait demain « semer » des capteurs au champ comme on sème des semences. Au-delà de la vision prospective, ce scénario interroge sur une limite bien actuelle des capteurs : leur incapacité à rendre compte l’hétérogénéité de l’environnement qu’ils sont censés observer (une parcelle par exemple), leur mesure étant souvent très locale. L’enjeu devient majeur lorsque l’on construit des outils d’aide à la décision à partir des informations d’un nombre très limité de capteurs comme c’est le cas aujourd’hui. Enfin, l’utilisation de réseaux bas débits tel que LoRa pour la transmission des informations se déploient et constitue une piste pour améliorer à la fois l’autonomie des équipements mais aussi communiquer avec un nombre croissant de capteurs.

Quelques interventions ont aussi présenté la mise en place de plateformes de partage de données agricoles, avec des degrés divers d’ouverture d’accès aux data, porté par des consortiums plus ou moins publics. Parmi ces présentations, on retrouve notre plateforme API-AGRO (TP. Haezebrouck, API-AGRO). Les plateformes peuvent aussi proposer du partage de connaissance et/ou d’outils, comme la plateforme collaborative Fairshare qui découle d’un projet européen H2020 en cours (Acta et Idele sont partenaires de ce projet). La question du consentement à partager ses données à été présenté dans le cadre du projet Multipass financé par le ministère de l’agriculture (M. Siné, Acta). Enfin, la conception de modèle pour la prédiction et la prise de décision reste une tendance de fond des travaux présentés. Deux interventions de l’Institut de l’Elevage ont permis d’exposer les travaux réalisés sur la modélisation de la courbe d’éjection du lait chez les chèvres (Maxime Legris, Idele) et sur l’élaboration d’équation de prédiction de la fromageabilité à partir d’observation dans l’infrarouge (présenté par Elodie Doutart, Idele). On note aussi de belles initiatives en matière de serious games, avec un projet permettant de sensibiliser au potentiel des nouvelles technologies, et modélisation de systèmes (système aquaponique associant culture et élevage de poissons modélisé en programmation orienté objet) dont la vocation est de sortir des laboratoires pour investir le terrain du conseil et de la formation.

Synthèse réalisée par Laurence DEPUILLE (Idele), Jean-Marc GAUTIER (Idele) et Sylvain GALLOT (Idele, Itavi)

#

No responses yet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *